Brussels & Mons

Dix10-plages-des-artistes

Printemps/été 2015 le groupe Dix10 prépare deux interventions en Belgique.

Masques by Dix10 à la galerie INTUITI à Brussels &  l’Intervention poétique, LES KITUM DIX10 à MONS 2015

La galerie Intuiti Brussels présente du 19 juin au 18 juillet 2015 une installation du Groupe Dix10, dans la continuation d’un travail sur l’énigmatique du masque. Cette exposition vient annoncer et accompagner une intervention poétique intitulée Kitum Dix10, programmée le 5 juillet au Jardin de la Guinguette Littéraire, Maison Losseau à Mons, à l’invitation de madame Karelle Menine responsable du Projet Littérature pour Mons2015.
Les deux interventions mettent en espace les formes du langage qui évoquent l’esprit des pratiques des communautés premières qui vivent aujourd’hui encore dans les profondeurs des forêts équatoriales.

Galerie INTUITI, Masques by Dix10
Rivoli Building – Ground floor #15-16 / 690, Chaussée de Waterloo – BE-1180 Brussels Belgium.
Vernissage Jeudi 18 juin à partir de 18h00. 
Exposition du 19 juin au 18 juillet 2015. [Ouverture du jeudi au samedi de 14h à 18h ou sur RDV]

Les dix sculptures murales présentées figurent des masques de bois sculptés et dorés à la feuille. Ces masques impressionnants semblent bien montrer l’effrayé plutôt que l’effrayant.
Dès le bulletin-manifeste publié lors de l’exposition Oeuvre inestimable en 1984 à Paris, les artistes Roma Napoli et Dow Jones donnaient à lire un texte intitulé Mythes et rituels montrant une attention particulière pour la recherche anthropologique. Dans l’esprit d’une continuité entre les propositions pour Mons et Brussels, c’est une suite de Masques qui sera d’abord présentée à la galerie Intuiti. Ces œuvres sont réalisées avec les matériaux simples que sont le bois, l’or, l’étain, le verre. Les Masques du groupe Dix10, sont une suite de sculptures sur bois dorés à la feuille d’or.
Ces œuvres établissent un lien entre la civilisation technicienne actuelle qui organise un isolement lié à la défiance en amplifiant le règne de la frayeur et la pratique des communautés premières favorisant les relations pacifiantes, pour tenter de combler l’abîme ouvert par l’agonie en expansion de notre monde désenchanté. Les rituels ou commémorations, toujours vivaces bien que menacés, de la pensée du temps de la cueillette et de la pêche rejouent ces engagements en toutes circonstances. Ces Masques qui expriment dans le même temps le mutisme et la cécité montrent des proto-visages saisit de frayeur alors que la tradition veut qu’ils figurent la démesure et la cruauté. Ce retournement infligé à la forme habituelle du masque plonge dans le trouble par la stupeur inédite qui là nous fait face. Ils n’ont pas vocation à être portés puisqu’à la manière du Sphinx taillé dans la roche ils émergent d’un bloc de bois massif avec lequel ils font corps. Ils nous invitent à passer de leur coté du miroir pour reprendre pied dans un monde inouï, en renouvelant la pensée d’un Comment primordial. Ces œuvres semblent bien être une tentative pour nous plonger sans préalable dans le flux questionnant qui de l’individualisme mortifère mène à l’individuation vivifiante.
Historiquement, tel que nous le connaissons, le masque est amené, hissé et porté pour établir une agitation factice aussi bien qu’une fascination effective. Il détourne de la colère contagieuse les belligérants de rivalités et de différends bien réels. Sa forme représente le menaçant affrontant pour les terrasser, les menaces partielles, qui toujours viennent à être soutenues. Au sein même de la communauté, l’amplification d’une crise attisée sans répit peut vite conduire à l’absurde expulsion d’une victime dont le sacré est donné pour condition du renforcement du différencié qui toujours déjà là, engage continuellement la différentiation.
Lorsqu’on le convoque au beau milieu d’une assemblée tourmentée et qu’on l’y place en tête, il lui revient d’unir et de conduire le cortège agité pour restituer la bonté d’une régularité, là où les conflits empoisonnent et où le fautif déjà est activement recherché.
Les Masques créés par Roma Napoli et Dow Jones échappent à ces structures codifiées et nous éloignent de rassemblements irraisonnés. Ils sont certainement une invite à repenser notre relation à l’autre.

 

MONS 2015 / LES KITUM DIX10 / Intervention poétique
Date de l’intervention : 5 Juillet 2015 à 15h00 / Jardin de la Guinguette Littéraire. [Maison Losseau, rue de Nimy 7000 Mons]
Les peintures figurant des coquillages Kitum seront distribuées gracieusement aux personnes désirant entrer dans une forme actuelle de l’échange Kula.
Nous plaçons un canoë en bois sur un coin de plage sablonneuse reconstituée sur le parvis du Théâtre du Manège. Ce bateau sera le tabernacle des Kitum avant leur dispersion dans le public. Ils figurent des coquillages, sont peints sur carton rigide et remis à chacun dans de petits sacs en toile. Chacune des trois cent oeuvres sera transmise par les artistes. Le Kitum est Esprit du voyage, il circule de main en main. Comme signe d’une alliance discrète autant qu’indéfectible ; une personne confie à une autre, cette chose singulière et/ou rare qui sous le nom de Kitum sera gardée jusqu’au jour où cette sorte de trésor voyageur sera attribué à un nouveau destinataire comme gage d’alliance. Ici nous ne sommes pas dans le champ du don et contre-don où le défit est prétexte. Le Kitum n’est pas une offrande, il pourvoie et marque plutôt l’extension du génie de l’alliance en fraternité. Par son geste, le destinateur initial, qui aura passé le Kitum, met en circulation cet objet singulier dans la ronde perpétuelle des échanges Kula. Sans destination préétablie, son errance dans le champ du social a un mouvement qui inscrit comme signe, une alliance nouvelle, qui vient doubler sans la biffer, une alliance antérieure.
Le contexte relationnel initial : Le système d’échange Kula pratiqué comme un grand trafic intertribal sur les îles Trobriand, sur une partie des îles d’Entrecasteaux et des îles Amphlett, a inspiré ce projet Les Kitums Dix10.
Le Kitum dans ce système d’échange singulier a été décrit par Bronislaw Malinowski dans l’ouvrage Argonautes of the Western Pacific 1922 et dans divers articles, dont The Primitive Economy of the Trobriand Islanders. Les objets Kula ont également fait l’objet d’études plus récentes, en particulier celles de Marcel Mauss dans l’Essai sur le don et de Maurice Godelier dans l’énigme du don. Les brassards et colliers en coquillages utilisés dans la cérémonie Kula ne sont pas des moyens d’échanges commerciaux. Ce sont des trésors intimes qui peuvent jouer des rôles particuliers en tant que monnaie non commerciale. Leur acquisition et leur usage sont soigneusement codifiés et considérés comme des événements extrêmement importants. Ils changent de mains en fonction de règles particulières, au cours de transactions à fortes implications morales. Ils sont souvent utilisés pour nouer de nouvelles relations sociales, empêcher la rupture de relations ou pour conserver ou élever son rang social. Leur fonction monétaire se limite à être le moyen de rétribution qui oblige [réciproque ou redistributif]. L’objet Kitum vient doubler le système d’alliances matrimoniales et prend en charge l’alliance amicale et fraternelle.
Nos Kitum sont emportés en tant qu’esprit de l’alliance interpersonnelle par les visiteurs qui les recevront et en auront désormais la garde, jusqu’au moment où dans l’esprit Kula, ils décideront de le confier à leur tour, créant ainsi un réseau particulier de transgression de la valeur monétaire de l’œuvre tout autant qu’une mémoire relationnelle singulière.